FESTIVAL = DANGER DE MORT !
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Avant que la saison des festivals ne commence, je propose aux festivaliers un instant de réflexion : pourquoi ne pas adopter, dès cette année, une attitude responsable et respectueuse de l'environnement en remettant en question votre façon de consommer la musique ?
Pensez-y : à partir d'une certaine taille, les festivals sont les hypermarchés de la musique. Les organisateurs se creusent la tête pour trouver quels sont les groupes qu'ils vont engager, en fonction de leur prix et de leur capacité à faire venir du monde. Ensuite, ils parquent le public dans un enclos et envoient défiler les musiciens qui se font applaudir les uns à la suite des autres. Il faut un très gros parking, un service d'ordre, des caissiers, des lois, des règles... comme à Leclerc ou Auchan.
Les artistes à succès, dont on est sûrs qu'ils attirent du public, passent de festival en festival et finissent par enchainer les concerts à un rythme effréné, de façon mécanique, sans joie, dans une démarche purement mercantile. On dirait que les organisateurs se les refilent comme des patrons de bordels s'échangeraient entre eux des vieilles putes pleines de MST mais encore demandées par les clients.
Dans ces évènements, il y a toujours un ou deux groupes locaux invités par l'organisation. Ils sont payés trois fois rien, jouent quinze minutes entre la buvette et les chiottes sèches et doivent payer leurs propres consommations. C'est pas très commerce équitable, ça ! C'est comme si, dans le supermarché de la musique, les groupes à succès étaient les meilleurs produits : ils sont le pot de Nutella en promotion qu'on expose à l'entrée du magasin, alors que l'artiste local joue le rôle du fromage qui pue et qui coule, fabriqué par le paysan pourri de la vallée et qu'on planque dans un recoin sombre du rayon le plus reculé de l'hypermarché. Ce dernier se donne, avec ce geste, une caution "Aidons les petits producteurs locaux", mais qui veut dire implicitement : "Diffusons massivement la même chose que tout le monde, vu qu'on est sûrs que ça fait vendre".
Je crois que les pires, ce sont les gros festivals qui programment du reggae. Les groupes y sont présentés comme un pur produit authentique 100% roots, fraichement débarqués de la jungle de Zionpour délivrer les Blancs de l'emprise de Babylone. Les boites de prod qui gèrent ce business sont des négriers modernes, ils s'enrichissent sur le dos des musiciens qui n'ont pas d'autres choix, pour vivre décemment, que de continuer ces tournées éreintantes à plus de 70 balais. Ça m'a toujours fait de la peine de voir des légendes vivantes telles que Ken Boothe ou Israel Vibration devoir se produire sur des scènes gigantesques, sans âmes, devant une troupe de viande saoule, défoncée et indigne de recevoir ce sacrement musical. Ces grands noms de la musique jamaïcaine ne devraient jouer que dans des salles luxueuses, à la mesure de leur talent et à la hauteur de leur carrière. Les faire jouer en plein air devant des gogols sous MDMA qui pataugent pieds-nus dans la boue est une honte absolue.
Je parle bien sûr des gros. Les petits festivals, qui s'emploient à faire vivre la musique, n'ont rien à voir avec ce système. Quand j'étais dans l'équipe de bénévoles du Festijam, évènement reggae au cœur des Pyrénées, j'ai vu des chanteurs immenses (et des inconnus) être reçus comme des rois ; je les ai vus remplis de joie, ravis d'être invités à jouer dans de si bonnes conditions au milieu des montagnes, comblés par l'affection du public et la bienveillance des organisateurs...
Quand je voyais Bunny Wailer, à 70 ans passés, enchainer des dizaines de dates sur les festivals d'été devant 10 000 ou 20 000 personnes chaque soir, je pensais au temps de l'esclavage ou aux cirques itinérants qui exhibaient des "sauvages" enfermés dans des cages. Quand je voyais l'équipe du Festijam faire des pieds et des mains pour faire venir un artiste particulier, non pas en fonction de sa popularité mais parce qu'ils pensaient que cette programmation était pertinente, ça n'était pas du tout la même démarche ! Les musiciens reçus là-bas ne s'y trompaient pas.
Vous avez saisi le message ? Boycottez ces usines à fric et privilégiez les artistes locaux qui crèvent la bouche ouverte. Ne claquez plus votre argent dans ces pièges à mongols qui cumulent des noms prestigieux sur leurs affiches comme s’ils jouaient à celui qui pisse le plus loin. Donnez plutôt aux artistes qui habitent à côté de chez vous, achetez leurs CD, allez les soutenir en concert. Mort aux arnaqueurs ! Ces festivals se disent écolo-responsables juste parce qu'ils te donnent des gobelets consignés et qu'ils t'obligent à chier dans la sciure, alors qu'ils font voyager des centaines, des milliers de musiciens en avion et en bus à travers le globe ! Rajoutons à ça tous ces cons de festivaliers qui font des milliers de bornes pour aller s'entasser dans un camp clôturé où ils ne verront les concerts que sur des écrans géants, et imaginez les quantités d'énergies gaspillées et les pollutions engendrées... C'est n'importe quoi !
Ne cautionnez pas ça. Pensez à l'empreinte carbone de tous ces artistes estampillés "roots" qui participent activement à l'accélération de la fonte des glaciers. À la montée des eaux ! Oui, Damian Marley et Alborosie contribuent activement au réchauffement de la planète, les Gladiators et Steel Pulse sont plus responsables de la destruction de l'environnement que vous et moi !
Donnez plutôt 8 € à Quessada pour son album J'ai raté ma vie. Il grave lui-même ses disques dans sa chambre, puis il part à vélo pour faire imprimer la pochette avant de la glisser à l'intérieur du boitier.
Privilégiez l'artisanat !
Paru dans le premier numéro de "La Fausse Note" entièrement écrit et réalisé par Pierre Quessada.